Les Desmodontidae sont les vrais Vampires, qui se nourrissent exclusivement de sang de vertébrés. Ils vivent en Amérique tropicale et subtropicale, aussi est-il surprenant que la légende du vampire, nocturne, assoiffé de sang et réincarnation d’un mort, soit apparue dans l’Ancien Monde bien avant de découvrir celle-ci en Amérique.

Photo : le Vampire Desmodus rotundus est la chauve-souris la plus rapide pour la vourse à pieds ; mais elle peut aussi transmettre la rage aux animaux qu’elle « pique ».

Il est possible, toutefois, qu’on lui ait attribué beaucoup plus tard la forme d’une chauve-souris. Cette petite famille n’a que 3 genres et 3 espèces, mais son importance est grande pour l’homme, car les Vampires peuvent transmettre la rage à leur victime, homme ou animal domestique. Ils communiquent également une trypanosomiase mortelle pour les chevaux. Desmodus rotundus, de taille moyenne, a le dessus du corps brunâtre, le dessous plus clair; son museau est entouré d’excroissances dermiques formant une ébauche de feuille nasale. Il a de courtes oreilles pointues et un très long pouce dont la base porte un coussinet arrondi. Il n’y a pas de queue. Dans les trois genres, Desmodus,Diaemus et Diphylla, le patagium interfémoral est étroit et l’éperon de faible taille ou absent. Chez les autres chauves-souris, les incisives centrales de la mâchoire supérieure sont minuscules, mais chez les Vampires elles ont une grande taille, une forme triangulaire et le bord tranchant comme un rasoir. Les canines, qui se trouvent beaucoup plus en arrière, sont également très développées, mais ne servent sans doute pas à percer la peau des victimes. Les incisives inférieures sont si écartées que la langue passe entre elles. Les Vampires vivent souvent en grandes colonies dans les grottes, les arbres creux et de nombreux bâtiments; quand on les dérange pas, ils ne s’envolent pas, mais déguerpissent avec agilité dans une crevasse. Pour se nourrir, le Vampire se pose la nuit sur un Mammifère ou un Oiseau endormi, et court sur son corps à la recherche d’un emplacement où les poils (ou les plumes) sont clairsemés. Il se déplace rapidement, prenant appui sur les pieds et les poignets, le corps soulevé, et son allure ne ressemble guère à la démarche traînante des autres chauves-souris; on a plutôt comparé les Vampires à des grosses araignées noires courant sur leurs proies. Par terre, ils avancent de la même façon, et on les a vus sauter comme des crapauds. Greenhall, décrivant un Vampire actif, a dit qu’il traversait le fond de sa cage avec ses ailes si bien pliées qu’elles ressemblaient aux membres antérieurs d’un quadrupède; ses membres postérieurs étaient dirigés vers le bas et son corps se trouvait à 5 cm au-dessus du plancher… Toute personne ignorant sa nature exacte n’aurait jamais pensé qu’il s’agissait d’une chauve-souris. Quand le Vampire trouve un emplacement favorable, il pratique un petit trou rond avec ses incisives tranchantes. Souvent ses mouvements et la morsure ne sont pas perçus par la victime, qui reste endormie. Avant de mordre, le Vampire ouvre la bouche assez lentement comme s’il voulait estimer la dimension de l’ouverture à pratiquer (R.L. Ditmars & A.M. Greenhall, The Vampire bats : a presentation of undescribed habits and a review of its history,Zoologica nr 19, 1935). Ditmars et Greenhall ont observé qu’au moment où l’animal cherche l’endroit où il va mordre il soulève parfois sa tête, montre ses dents effilées et prend une pose sinistre. Dès que le sang commence à couler, la langue sort et sa pointe touche le liquide ; ses bords se replient de façon à former une surface concave qui, accolée au profond sillon situé au milieu de la lèvre inférieure, constitue un tube à travers lequel le sang est aspiré. De temps en temps, des mouvements de la pointe de la langue stimulent le courant, et une substance anticoagulante contenue dans la salive empêche la formation du caillot (C. Hawkey, Les Vampires au service de la cardiologie, Atome n. 250, janvier 1968). Goodwin et Greenhall disent que pendant la prise de sang la langue du Vampire ne remue guère et que sa surface supérieure n’est pas tachée par le liquide. Les mouvements de la gorge et de la poitrine de la chauve-souris montrent nettement que le sang parvient dans l’estomac. Par moments, on peut voir le Vampire laper, et l’on pense que ces mouvements servent à produire dans la cavité buccale un vide partiel, destiné à entraîner le débit. Ditmars et Greenhall ont vu un Vampire captif laper dans une assiette de sang défibriné à raison d’environ quatre mouvements de langue par seconde. Quand la langue sortait de la bouche, elle était rose, mais dès qu’elle fonctionnait on voyait nettement un ruban de sang dans l’espace entre les lèvres de l’animal et la surface du liquide. Il arrive souvent que le Vampire se gorge de sang au point que son corps devient sphérique; il peut même tomber par terre et il lui faut grimper sur quelque objet pour pouvoir s’envoler. Son repas terminé, il gagne un abri provisoire, et la rapidité de la digestion l’allège bientôt d’une partie du liquide absorbé. Sous les dortoirs permanents des Vampires se trouvent un tas de déjections d’aspects goudronneux. Un Vampire peut avaler jusqu’à 56g de sang en un seul repas nocturne. Selon Goodwin et Greenhall, un sujet captif consomme à peu près 23.5 litres de sang par an. En 1959, environ 1800 Vampires furent collectés à Trinidad. On peut donc admettre que ces animaux auraient absorbé 46’575 litres de sang s’ils étaient restés en liberté!

La rage semble endémique chez les Vampires, et de temps à autre une épidémie éclate quand d’autres animaux (y compris les chauves-souris frugivore de la famille des Phyllostomatidae) et des Oiseaux sont mordus par les Vampires et des bêtes contaminées. A Trinidad, une des plus graves épizooties eut lieu entre 1925 et 1935; elle provoqua le décès de 89 personnes et la mort de milliers de têtes de bétail. Bien entendu, les autorités réagirent et prescrivirent des mesures telles que la destruction des Vampires par tous les moyens (Tir, capture au filet, enfermage, empoisonnement) et la vaccination des bestiaux. Les Vampires ont l’habitude de revenir sur le même animal d’une nuit à l’autre et retrouvent leur victime même si elle fait partie d’un grand troupeau; on peut donc l’empoisonner en plaçant sur la blessure de la nuit précédente une goutte d’eau sucrée contenant de la strychnine. L’augmentation de l’agressivité des Vampires et un comportement anormal des autres chauves-souris, par exemple la morsure d’êtres humains par des espèces frugivores, annoncent le déclenchement d’une épidémie.

On sait maintenant que de nombreuses espèces de chauves-souris et d’autres petits Mammifères peuvent servir de vecteur entre deux épidémies, et cela sans présence du moindre symptôme d’infection. Le Vampire à ailes blanches Diaemus youngi et le Vampire à pattes velues Diphylla ecaudata ressemblent au Vampire ordinaire mais ont des pouces plus courts. Leurs habitudes alimentaires sont identiques. Diaemus est brunâtre, mais les bords antérieurs et postérieurs de ses ailes sont blancs ainsi que la pointe du patagium. Il semble que cette espèce préfère le sang des Oiseaux. Goodwin et Greenhall signalent qu’en captivité elle refuse le sang des bestiaux mais boit celui des poules. Ils ajoutent que, si elle est dérangée, cette chauve-souris ouvre la bouche et peut faire saillir deux glandes cupuliformes à l’angle des lèvres. Quand on l’excite d’avantage, elle en dirige l’ouverture en avant et, tout en faisant entendre un psst! bruyant, émet une odeur écœurante du plus désagréable pour beaucoup de gens. On l’a comparée à une odeur de soufre et de champignons. Diphyla semble également préférer le sang des Oiseaux. Comme les autres chauves-souris, les Vampires paraissent avoir une grande longévité, car on a mentionné que l’un d’eux avait vécu douze ans et neuf mois en captivité (son âge réel devait être plus élevé, car il était déjà adulte au moment de sa capture).