Elle n’a qu’un seul genre, Noctilio, avec 2 espèces, mais elle est très intéressante à cause du régime piscivore – exceptionnel chez les Chiroptères – de N. leporinus. Les Noctilionidae vivent en Amérique tropicale, de Cuba et du Mexique à l’Argentine septentrionale.

Les Noctilio ont un museau pointu dont l’extrémité s’avance au-dessus des narines et des lèvres charnues, qui forment des rides autour de la bouche; la lèvre supérieure produit des plis verticaux au-dessous des narines, et l’inférieure des fronces semi-circulaires au-dessous du menton. Pour cette raison, on appelle ces animaux chauves-souris bouledogues. Les lèvres sont si amples qu’elles forment une poche dans chaque joue. Les oreilles, longues et pointues, possèdent un petit tragus. La fourrure est assez courte, et sur le dos elle se limite à une bande centrale, laissant les flancs nus. Les mâles sont en général roux vif et les femelles brun terne; tous ont, le plus souvent, une rayure pâle au milieu du dos. Les ailes étroites ne dépassent pas le niveau du genou, alors que chez les autres Chiroptères elles atteignent les chevilles. Le patagium interfémoral s’étend jusqu’à la cheville, soutenu par un éperon très grand. Comparés à la taille de l’animal, les pieds de N. leporinus sont démesurés et pourvus de griffes puissantes. Comme chez les Emballonuridae, le bout de la queue est libre sur la face dorsale du patagium. N. labialis, plus petite, ne mange que des Insectes, qu’elle saisit en rasant la surface de l’eau. N. leporinus, qui mesure 12.5 cm du museau à la base de la queue, est piscivore. Il y a une centaine d’années, on la soupçonnait déjà de manger des poissons, mais la chose ne fut confirmée que beaucoup plus tard; puis il y eut une controverse au sujet de la méthode qu’elle utilise pour pêcher, et Bloedel, en photographiant cet animal au Panama en 1953, apporta la preuve qui arrêta les discussions. Ses observations de sujets sauvages et captifs montrent la relation étroite qui existe entre l’habitude de pêcher et les caractères que nous venons de mentionner. Noctilio pêche à la manière des chalutiers, car elle ne repère pas et ne saisit pas un poisson bien déterminé mais vole au hasard au-dessus des endroits où peuvent se trouver de petits poissons. Rasant la surface à une vitesse de 5.4 à 7.5 mètres par seconde, elle enfonce de 2 centimètres ses grands pieds aux doigts largement écartés et les laisse traîner dans l’eau sur une distance variant entre 30 centimètres et 3 mètres. L’étroitesse des ailes, qui atteignent seulement le genou, lui permet d’immerger ses pattes sans que le patagium soit mouillé, et on voit là encore le rôle important que jouent les grands éperons. Au moment où elle s’enfonce, la chauve-souris les plie parallèlement aux tibias et retrousse le patagium interfémoral de sorte que les pattes apparaissent complètement séparées. Selon Bloedel, elle ne se sert pas de cette portion du patagium quand elle pêche. Les pattes sont tenues bien droites et le patagium est enroulé tout autour. L’animal redresse son corps presque à la verticale au moment où il approche de l’eau, abaisse les pattes, relève le patagium et pêche. A la fin du vol rasant, au moment où les pattes émergent, le patagium est immédiatement abaissé et sert de nouveau aux manœuvres aériennes, auxquelles, semble-t-il, il est principalement destiné. Quand un poisson est capturé, il est aussitôt transféré à la bouche, et même dans l’obscurité Bloedel savait que l’animal avait réussi une prise en entendant le bruit de ses mâchoires. Il ajoute que les deux espèces de Noctilio mâchent deux fois leurs aliments, une première fois très rapidement, puis elles les gardent dans des poches très extensibles et leurs joues, et les triturent avant de les avaler. En 1847, P.-H. Gosse vit à la Jamaïque une Noctilio captive en train de manger une blatte (à cette époque il ignorait que l’animal mangeait aussi du poisson) et, décrivant sa façon de manger, nota qu’elle faisait beaucoup de bruits avec ses dents. Elle plaça la proie dans ses abajoues, puis, d’un mouvements des mâchoires et des muscles de la poche, elle en fit venir un morceau dans sa bouche, où elle le mâcha une deuxième fois; quand tout fut avalé et les poches vidées, celles-ci s’effacèrent. L’animal mangeait vite et sa langue apparaissait si rapidement entre ses grandes canines qu’on s’étonnait qu’il ne la mordit pas à chaque instant.

Noctilio utilise l’écholocation, mais Bloedel en est arrivé à la conclusion que ces chauves-souris ne s’en servent probablement pas pour repérer les poissons sous la surface, quoi que la chose soit possible à de très petite distance. Il trouva cependant que tout bruit d’éclaboussure attirait immédiatement l’attention de la chauve-souris. Les poissons capturés sont de petites tailles (La taille varie entre 2 et 4 centimètres de longueur), et Bloedel nota que la nuit ils se concentraient en bancs compacts près de la surface. Il calcula que la méthode employée permettait à une chauve-souris de trouver les 30 à 40 poissons qu’elle mangeait chaque nuit. Les Noctilio ne sont pas exclusivement piscivores, car elles prennent et mangent aussi des Insectes. A Saint Thomas, dans les îles Vierges, Goodwin en observa plusieurs qui, apparemment, étaient en train de pêcher au-dessus d’une mare; bien qu’elles fissent jaillir l’eau quand elles l’effleuraient, il ne trouva que des Insectes dans l’estomac des sujets abattus. Il remarqua en outre qu’elles avaient une forte odeur musquée qu’il jugea supportable, mais celle d’un spécimen en provenance de Porto Rio était carrément nauséabonde. D’autres naturalistes ont fait la même observation : Kingsley parle de leur puanteur et Gugler rapporte selon Goodwin, cette odeur terriblement pénétrante proviendrait peut-être en partie des poissons. Benedict a vu plusieurs Noctilio qui pêchaient en plein jour dans la mer, à côté des pélicans, et d’autres observations ont démontré que la nuit ces chauves-souris fréquentaient les eaux douces ou salées. Si l’on regarde Noctilio dans un musée, elle paraît assez semblable à un membre d’un autre groupe, mais les recherches de Bloedel ont montré que la morphologie et les habitudes de ces animaux sont très spécialisées et adaptées à leur genre de vie. Enfin, Goodwin et Greenhall rapportent le fait suivant : « On a vu un très grand poisson de 90 centimètres de long bondir hors de l’eau au moment où une Noctilio survolait la surface; de toute évidence, il cherchait à l’attraper. Il y a donc des chauves-souris piscivores et des poissons mangeurs de chauves-souris«  (Goodwin GG & Greenhall AM, A review of the bats of Trinidad and Tobago, bulletin américain des musées d’histoires naturelles n. 122, 1961). Les Nycteridae sont la première des familles dont les membres possèdent ce que l’on appelle une feuille nasale. Cet appendice a, comme nous le verrons, une forme extrêmement variable, parfois très complexe. La feuille nasale est un bourrelet de peau qui entoure les narines; elle s’étend généralement autour du nez pour former un ou plusieurs replis qui recouvrent les portions voisines de la face. C’est donc un double repli de la peau au milieu duquel se trouve une mince lame de cartilage, et on pourrait le comparer à un lichen poussant de façon symétrique sur le museau. Chez certaines espèces, on sait qu’elle sert à concentrer en un faisceau les ondes ultrasonores utilisées pour l’écholocation; on pense qu’elle joue ce rôle chez la plupart, mais dans d’autres fonctions sensorielles, comme nous le verrons.