Photo : Renard volant au repos ; on peut remarquer un très fort contraste entre la teinte du patagium et celle de la fourrure.

Elle est subdivisée en 4 sous-familles qui rassemblent 34 genres et environ 150 espèces. On ne les trouve que dans les régions tropicales et subtropicales de l’Ancien Monde, depuis l’Ouest africain jusqu’à l’Australie orientale, en passant par le sud de l’Asie.

Le genre Pteropus, le plus vaste, renferme les plus grands des Renards volants. Ces animaux doivent leur nom à leur long museau, caractéristique de tous les Pteropidae. Ils ont une fourrure noire, grise ou jaunâtre. Quelques-unes ont des rayures foncées autour des yeux et sur la face. Pteropus giganteus, le Renard volant de l’Inde, de la Birmanie et de Ceylan, est le plus grand de tous, atteignant le poids de 1.10 kg et 1.25 m d’envergure. Certains indigènes mangent sa chair. Wallace, qui goûta cette viande (c’était probablement celle de P. vampyrus) sur l’île Batchian, dans les Moluques, entre les Célèbes et la Nouvelle-Guinée, déclara : 

Ces vilaines bêtes sont très appréciées et on les chasse avec acharnement… Il faut qu’elles soient bien préparées, car leur peau et leur fourrure exhalent une forte odeur de Renard; mais on les sert avec beaucoup de condiment et d’épices, si bien qu’elles constituent un mets excellent, à peu près comparable au lièvre (A.R. Wallace, The Malay Archipelago, Londres, 1869).

Photo : Renard volant accroché sous les feuilles d’un palmier (cliché pris au Kenya).

Bien que le climat de Colombo soit égal, que les différences saisonnières soient atténuées du point du vue pluviométrique, Marshall a constaté que P. giganteus avait une période de reproduction bien définie, les jeunes étant mis au monde fin mai ou début juin. L’activité sexuelle des mâles varie aussi selon les mois. Le même observateur nota que, malgré l’absence de saisons telles que nous les connaissons en Europe, l’époque de la reproduction coïncidait avec une légère diminution de la durée du jour en décembre. La gestation dure environ six mois et la petite chauve-souris est transportée sur de grandes distances, pendant trois mois environ, accrochée à la fourrure abdominale de sa mère. Chez une espèce africaine, Eidolon helvum, qui forme en Ouganda des dortoirs réunissant parfois 250’000 sujets, on a observé l’implantation différée de l’œuf pendant trois mois. Cela est particulièrement intéressant, car le phénomène est caractéristique des Microchiroptères des régions tempérées qui hibernent. L’intérêt de la nidation différée chez une chauve-souris tropicale nous échappent encore. Nous devons à Ratcliffe des études très précises sur la biologie des Mégachiroptères. Ce zoologiste cherchait comment venir à bout des multitudes de chauves-souris nuisibles aux vergers australiens. Quatre espèces sont communes le long de la côte orientale de ce continent. Elles dorment sur les arbres des mangroves ou des forêts humides. Ces dortoirs réunissent des centaines ou des milliers d’animaux, et, dans le plus vaste que l’on connaisse, 250’000 Pteropus scapulatus occupent une surface de 20 hectares. On a découvert un autre dortoir qui mesurait 1’500 mètres de large et environ 6’000 mètres de long. Ratcliffe trouva que, si les chauves-souris mangent de grandes quantités de fruits, elles n’en demeurent pas moins dépendantes des fleurs de plusieurs espèces d’eucalyptus; elles les mâchent, rejettent les fibres et ne gardent que le nectar, le pollen et les étamines. Pour montrer qu’elles ne s’intéressent qu’aux liquides, il citait une de ces bêtes qui parvint à aspirer le jus de plusieurs pêches malgré le filet qui les protégeaient. Bien qu’ils aient une nourriture très aqueuse, les Pteropus boivent régulièrement et pour cela effleurent la surface d’une rivière, d’un étang; on dit même que certains boivent de l’eau salée.

Les déplacements des espèces australiennes semblent gouvernés par la répartition des aliments. Elles suivent la floraison de divers espèces d’eucalyptus, mais il y a en outre chez certaines des migrations régulières, plus nettes, du nord au sud au printemps et en été. L’importance de ces voyages change d’une année à l’autre, si bien qu’en Nouvelle-Galle du Sud les arboriculteurs ont de bonnes ou de mauvaises années. En 1926, un grand nombre de P. scapulatus vinrent dans cette région et par la suite prirent l’habitude de se déplacer vers le sud, au lieu de manger des fleurs, elles se mirent à dévorer les fruits au grand désespoir des fermiers. On croit que cette invasion massive fut provoquée par une sécheresse dans les régions septentrionales, mais, chose curieuse, les chauve-souris continuèrent à se déplacer même pendant les années où la pluviométrie était normale.

Malgré l’immensité de son aire de répartition, le genre Pteropus, qui existe à Madagascar, fait défaut en Afrique, où les genres Roussettus et Eidolon tiennent la place. On a vu, dans le chapitre précédent, que R. aegypticus est la seule chauve-souris frugivore qui utilise l’écholocation et émet des sons avec sa langue. Trois espèces de Cynopterus, ou chauves-souris à museau court, existent entre l’Inde et les Philippines; elles sont assez petites et l’une d’elles a la réputation de contribuer à la dissémination d’un palmier dattier sauvage en transportant les fruits et en laissant tomber des noyaux à distance. On a signalé le même fait pour les graines d’autres fruits chez diverses espèces de Pteropidae. Les chauves-souris frugivores à épaulettes des genres Epomophorus,Micropterus et Epomops se distinguent par de vastes poches glandulaires situées dans l’épiderme de l’épaule et surmontées de touffes de longs poils clairs; c’est de là que dérive leur nom. Les mâles ont en outre des sacs pharyngiens sous la peau du cou et de la poitrine. Comme la plupart des petites chauves-souris frugivores, elles sont moins sociables que les grandes espèces; beaucoup vivent solitairement et se reposent dans les grottes, les arbres creux, les toits des maisons ou à l’abri d’épais feuillages. Leurs lèvres sont charnues, pendantes et parfois plissées, notamment dans le genre Epomophorus, mais n’atteignent pas les dimensions extravagantes de celles d’Hypsignathus monstrosus, seule espèce de son genre, qui fréquente les forêts marécageuses d’Afrique équatoriale entre l’Ouganda et la côte occidentale. Cette chauve-souris a une tête absolument bizarre, avec son museau verruqueux, en forme de marteau, ses énormes lèvres pendantes, les replis qui entourent ses narines, son menton fendu et glabre. C’est un des plus bruyants parmi les Pteropidae. Les mâles ont en effet deux sacs pharyngiens qu’ils peuvent gonfler et un énorme larynx qui occupe presque toute la place dans la poitrine, repoussant les poumons et le cœur sur les côtés et en arrière. Leur voix, sorte de croassement, servirait à attirer les femelles.

Photo : chauve-souris du genre Epomorphorus ; on peut noter la forme de sa tête, et surtout de son museau, bien différent des autres espèces.

Van Deusen a publié la remarquable découverte de H.A. Beatty, collecteur qui travaillait au Gabon pour les musées américains. Ayant entendu autour de sa hutte les cris nocturnes émis par des mâles d’Hypsignathus, Beatty observa que, s’il jetait au dehors les cadavres dépouillés des spécimens qu’il avait abattus, les chauves-souris abaissaient leur vol et les saisissaient pour les emporter. Beatty observa aussi que ces Chiroptères attaquaient les poules domestiques. Van Deusen ajoute que dans la forêt hygrophile beaucoup d’Oiseaux passent la nuit, perchés sur une branche, à découvert, et non pas à l’abri, comme le font la plupart des passereaux des pays tempérés; il pense qu’Hypsignathus les chasse fréquemment pour s’en nourrir.

Les chauves-souris à dos nu du genre Dobsonia vivent entre les Célèbes et les Philippines ainsi que dans le nord de l’Australie. On en connaît une douzaine d’espèces qui ont pour caractère distinctif l’absence d’une griffe sur le deuxième doigt. La partie inférieure de leur dos parait nue, car le patagium (glabre) s’insère sur le corps le long de l’épine dorsale, mais en-dessous, la peau est normalement velue. On connaît 18 autres genres de chauves-souris frugivores; beaucoup n’ont qu’une seule espèce et certains ne nous sont connus que par de rares spécimens; aussi ne peut-on rien dire de leur biologie. La chauve-souris frugivore pygmée, Aethalops, de Malaisie, mérite d’être citée, car chez elle la longueur tête et corps n’excède pas 75 mm; c’est donc la plus petite du groupe en dehors de Syconycteris, qui fait partie des Macroglossinae décrits plus loin. Enfin, nous mentionnerons Nanonycteris veldkampi, seule espèce de son genre, qui vit en Afrique occidentale. Elle se nourrit du nectar, qu’elle extrait avec sa langue; elle ne mange pas les pétales mais joue le rôle d’agent pollinisateur pour les fleurs de parkia. Les plus spécialisées des chauves-souris nectarivores forment la sous-famille des Macroglossinae. On distingue 6 genres de Macroglosses, répartis entre l’Inde et la Polynésie. Le genre Mégalophus est propre à l’Ouest africain. Les Chiroptères ont un long museau étroit et une grande langue mince pourvue de papilles en forme de brosse qui recueillent le nectar des fleurs. Certains Macroglosses sont solitaires; les espèces grégaires ne forment pas de grands dortoirs. Ils mangent surtout des fleurs, mais au moins un Macroglossus s’attaque aux fruits mous. Les 3 espèces de Synonycteris d’Australie et de Nouvelle-Guinée sont les plus petits des Mégachiroptères, l’une d’elles mesurant à peine plus de 65 mm de long, tête et corps pris ensemble.

L’unique espèce de Nonopteris (N. macdonaldii), de Polynésie occidentale, est la seule chauve-souris frugivore qui ait une longue queue libre et non pas inclue dans le patagium.

La sous-famille des Nyctimeninae comprend les 2 genres de chauves-souris frugivores à narines tubulaires, Nyctimena et Paranyctimena, répandues depuis les Célèbes jusqu’aux îles Salomon, en Nouvelle-Guinée et au Queensland. Elles diffèrent des autres par la brièveté de leur museau au profil arrondi et leurs narines que prolongent des sortes de tubes longs de 12 mm environ. Leur fourrure est assez claire; les ailes et les oreilles sont couvertes de taches jaunes. Ces animaux mangent la chair des fruits et, comme les Pteropinae, mâchent la pulpe pour extraire le jus. On ignore quel est le rôle de leurs remarquables narines, mais on a émis l’hypothèse qu’elles pouvaient servir à l’écholocation, bien que l’on ait pas démontré l’existence d’un système sonar chez ces animaux. Le genre Harpionycteris compte une seule espèce placée dans une sous-famille particulière à cause de sa denture. C’est une bête rare, vivant aux Philippines, et dont on ne possède que quelques spécimens. Sa biologie est absolument inconnue.