Si vous n’y connaissez (pas encore) grand chose en acoustique, il est recommandé d’aller jeter un oeil au préalable sur la page intitulée: les bases de l’acoustique, avant d’attaquer cette partie consacrée aux détecteurs d’ultrasons. Vous aurez été prévenu!
Les détecteurs ont été inventés pour permettre l’enregistrement des signaux ultra-sonores sur le terrain et sont donc composés d’un microphone extrêmement sensible aux vibrations. Les signaux perçus passent dans un circuit électronique dont le rôle principal est de ramener une gamme de fréquences ultrasonores (de 20 à 200 kHz) dans les limites de l’audible (2 à 20 kHz). L’hétérodyne, la division de fréquences et l’expansion de temps sont les trois techniques de transformation des signaux ultrasonores les plus couramment utilisées par les biologistes (Parsons et al., 2000). Le choix d’une technique va bien sûr varier en fonction du matériel employé sur le terrain et des objectifs de l’étude.
En fonction du type de détection employé sur le terrain, les signaux enregistrés pourront (ou pas) être sauvegardés moyennant diverses altérations du signal original. La plupart des détecteurs enregistrent les signaux dans le but de les analyser ultérieurement (tranquillement avec une tasse de café, les pieds au sec de retour au labo). Ces enregistrements pourront éventuellement être (ré)écoutés, mais l’objectif est avant tout de pouvoir visualiser les signaux de chauves-souris sous diverses représentations graphiques en vue d’en extraire un maximum d’informations. Ces représentations sont analysables grâce à l’emploi de logiciels (Analook®, Batsound®, Avisoft®, Syrinx , etc) généralement fournis avec le détecteur. Voici une brève présentation des trois transformations les plus couramment employées :
- Lorsque le signal original (perçu par le microphone) n’est presque pas altéré par la procédure d’enregistrement du détecteur, il est possible de le visualiser sous la forme d’un oscillogramme (généralement au format .wav). Ce domaine permet surtout d’apprécier les variations d’amplitude des fréquences en fonction du temps. Ce critère est important pour différencier des espèces souvent considérées comme difficiles.

- Une autre transformation du signal permet de visualiser les variations d’amplitude en fonction des fréquences, après »extraction » du domaine temporel. Le signal est alors représenté sous la forme d’un spectrogramme (Parsons et al., 2000). Là encore, cette transformation n’est rendue possible que lorsque le signal original n’a pas été altéré lors de l’enregistrement (l’amplitude et la fréquence doivent être préservées).

- Une troisième transformation consiste (à l’inverse) à « extraire » les variations d’amplitudes du signal pour n’afficher que les variations de fréquence en fonction du temps (Parsons et al., 2000). On parle alors d’un sonagramme.

Afin obtenir une telle transformation, il n’est pas vraiment nécessaire de sauvegarder l’amplitude du signal lors de l’enregistrement, qui peut alors être extraite directement par le détecteur (éventuellement). C’est le cas des appareils de marque Anabat®.
Voici à présent une brève présentation des trois techniques de détection les plus couramment employées :
La détection hétérodyne

Technique d’enregistrement des signaux la plus ancienne; bien avant l’arrivée de l’aire numérique. Le signal émis par l’animal (noté f1, voir schéma) est confronté à un signal constant (noté f2, voir schéma) émis par le détecteur et ajustable par l’observateur (dans une fenêtre de 20 kHz à 200 kHz). Les signaux (f1) et (f2) sont confrontés, puis filtrés par le circuit, pour obtenir une nouvelle fréquence audible (f3, voir schéma). L’observateur pourra dès lors régler l’appareil sur la fréquence qui détient la plus forte amplitude. C’est cette fréquence (f3) qui lui permettra d’identifier l’individu au genre ou à l’espèce. Bien que les signaux d’écholocation perçus soient retransmis à l’observateur en temps réel, le signal original (f1) n’est pas conservé sous sa forme originale.
Avantages :
- Équipement portatif. Seuls le détecteur et beaucoup d’expérience sont exigés sur le terrain.
- Permets d’effectuer une »analyse spectrale » du signal sur le terrain. Déterminer la fréquence du maximum d’énergie (fréquence à laquelle le dB émis est maximal) permet à l’observateur de différencier de nombreuses espèces.
Limites :
- Portée très réduite. Bien que l’appareil puisse balayer un spectre de fréquences allant de 20 à 200 kHz, la gamme de fréquences audibles autour de la fréquence ajustable par l’observateur (f2) n’est que de 10 kHz. Autrement dit, lorsque l’appareil est réglé pour détecter les signaux situés autour de 60 kHz, les espèces émettant des signaux inférieurs ou supérieurs à 60 + ou – 5 kHz ne sont pas détectées.
- L’enregistrement des signaux n’est pas disponible. Bien que les valeurs fréquentielles soient affichées par l’appareil lors de l’écoute, le signal en sortie n’est pas restitué dans son intégralité et ne peut donc être visualisé sous la forme d’un sonagramme.
- Expérience exigée au préalable. La connaissance acoustique des espèces est indispensable pour utiliser cette technique sur le terrain. Bien qu’un système de balayage automatique (de 20 à 200 kHz) soit inclus pour certains détecteurs, il est néanmoins nécessaire de connaître les fréquences (du maximum d’énergie) émises par chaque espèce ou groupe d’espèces considérés.
La division de fréquence

Le signal émis par l’animal est divisé par un ratio constant et ajustable par l’observateur (radio de division de 8 ou 16). Le signal divisé est ainsi rendu audible pour l’observateur avant d’être transformé pour être visualisé ultérieurement sous la forme d’un sonagramme (fréquence / temps).
L’écoute peut être effectuée en temps réel et le signal en sortie peut être conservé, mais pas sous sa forme originale. Cette technique est surtout employée par les appareils Anabat® (et accessoirement Pettersson®).
Avantages :
- Sauvegarde des données. Les signaux sont enregistrables sous format audio et peuvent être transformés directement et/ou ultérieurement sous la forme de sonagrammes (uniquement). Ces sonagrammes permettront de visualiser graphiquement les paramètres acoustiques à prendre en considération pour identifier les espèces ou groupes d’espèces.
- Large spectre de détection des fréquences (en principe de 10 à 200 kHz, à ajuster en fonction du ratio de division). La majorité des espèces peuvent en principe être détectées sans avoir à manipuler constamment l’appareil (ex. hétérodyne).
- Autonomie (Anabat® seulement). Les appareils Anabat® peuvent être utilisés en écoute passive, c’est à dire sans intervention de l’observateur, qui pourra programmer l’appareil de manière autonome. Raccordé à une batterie (12 V), l’appareil peut rester en fonctionnement plus d’une semaine sur le site d’échantillonnage. Attention toutefois, l’enregistrement passif ne sera pas d’aussi bonne qualité qu’un enregistrement effectué en présence de l’observateur (actif), du fait d’un manque de « directionnalité » du microphone.
- Enregistrement en continu. La division de fréquence permet d’enregistrer les sons perçus sans interruption durant la durée de l’échantillonnage. Cela permet de calculer un indice d’abondance relative basé sur le taux d’activité (généralement: nombre de « passages » d’une chauve souris devant le détecteur / unité de temps).
- Bruit de fond minimisé. Pour les détecteurs Anabat et plus généralement, en division de fréquence, les systèmes minimisent le bruit de fond perçu par le microphone en sélectionnant les signaux dont l’amplitude excède une valeur prédéterminée par l’appareil (Parsons et al., 2000).
Limites :
- Le signal original est fortement altéré. Le signal original perçu par le microphone (composé de plusieurs harmoniques) est transformé par le circuit (lors du « zero-crossing ») en un signal unique dont l’amplitude est constante. Toutefois, pour donner un aperçu des variations d’amplitude à l’utilisateur (lors de l’inspection des sonagrammes), l’enveloppe amplitudinale (et non l’amplitude) est réajustée au signal constant avant sa sortie. Cette enveloppe ne correspond plus vraiment à l’enveloppe originale du signal et l’amplitude originale est quant à elle, complètement perdue. Cette perte d’information est intrinsèque au système de division de fréquence. Un ratio de division de 8 retransmet un signal « moyen » ne contenant en sortie que 8% des informations du signal original (car divisé en 8 points).
- L’analyse spectrale (amplitude / fréquence) des signaux est impossible.
L’expansion de temps

Technique numérique la plus récente. Le signal perçu est enregistré dans son «intégralité» (codage en 8 ou 16 bits au format .wav) dans une mémoire tampon, avant d’être rejoué à une vitesse plus lente, ajustable par l’observateur (8x ou 10x). La fréquence étant dépendante du temps, le fait d’allonger la durée du signal diminue sa fréquence proportionnellement, le rendant ainsi perceptible pour l’observateur. Cette technique est principalement employée par les appareils Pettersson®. Contrairement aux deux autres techniques, l’expansion de temps ne permet pas l’écoute du signal en temps réel.
- Sauvegarde complète des données. Les signaux sont enregistrés sous format audio et ne nécessitent aucune transformation ultérieure en vue d’être analysés sous forme de sonagrammes et/ou spectrogrammes et/ou oscillogrammes.
- Signal en sortie peu altéré. Les harmoniques, l’amplitude et la répartition de l’amplitude sur le signal sont relativement préservées (codage en 8 ou 16 bits). Ces paramètres d’identification se révéleront utiles pour différencier les espèces considérées comme difficiles (ex. Myotis spp.)
- Large spectre de détection des fréquences (de 10 à 200 kHz).
Limites:
- Mauvais ratio signal / bruit de fond. Tous les sons perçus sont enregistrés, car il n’y a pas de filtre automatique d’amplitude en expansion de temps (réglage manuel de la sensibilité du microphone).
- Manque d’autonomie. Tout comme la détection hétérodyne, la détection en expansion de temps ne peut se passer de l’observateur qui doit décider du moment opportun pour enregistrer les signaux des chauves-souris. Il existe un mode de détection automatique sur les détecteurs Pettersson® les plus avancés, mais il est fréquent de voir l’appareil se déclencher pour enregistrer d’autres signaux (insectes, batraciens, etc) que ceux émis par les chiroptères.
- Enregistrement en continu difficile. Comme son nom l’indique, l’expansion de temps transforme un signal de 3 secs en 30 secs avec un ratio de 10x. L’enregistrement est ensuite rejoué en playback en temps expansé. Durant ce laps de temps, l’appareil n’est pas en mesure d’enregistrer l’activité nocturne. De ce fait, seulement 10% du temps passé sur le terrain pourront être enregistrés et sauvegardés en mémoire. Il n’est pas possible dans ces conditions de construire un indice d’abondance relative. Les modèles de Pettersson®les plus avancés (D500x, D1000x) permettent tout de même d’enregistrer en continu, mais cela se fera au détriment de longues heures d’analyse sonore par la suite (1 heure d’enregistrement continu avec un ratio de 10x donnera 10 heures d’enregistrement expansé à analyser).
Références:
- Parsons et al. (2000) Advantages and disadvantages of techniques for transforming and analyzing chiropteran echolocation calls. Journal of Mammalogy, 81(4):927–938.