Une épidémie dévastatrice semble s’être installée dans les sites d’hibernation des chauves-souris du Nord-Est des Etats-Unis [1]. La région comporte au moins 80 sites dont la grotte de Mount Aeolus, le plus grand, qui en hébergeait environ 200 000 jusqu’en 2006. Partout les pertes s’étagent entre 75 et 100 % [2].

A) Greater mouse-eared bat (Myotis myotis) with white fungal growth around its muzzle, ears, and wing membranes (photograph provided by Tamás Görföl). B) Scanning electron micrograph of a bat hair colonized by Geomyces destructans. Scale bar = 10 µm.

Le white nose syndrome (WNS) se caractérise par un dépôt blanc sur le museau et/ou les ailes des animaux qui se fait pendant les périodes froides d’hibernation et est dû à un champignon blanc, Gomyces destructans. Le mécanisme létal qui fait se réveiller les chauves-souris contaminées est encore mal compris ; elles se mettent à voleter, consommant ainsi leur énergie ; elles en arrivent à jeûner à mort, et on les trouve gisant sur le sol par milliers. Cette destruction massive est un risque pour l’espèce, particulièrement grave aussi en raison du rôle important qu’ont les chauves-souris dans les processus de pollinisation. Un travail de recherche se développe pour comprendre le phénomène et chercher à le contrarier.

Une symptomatologie de ce type a en effet été décrite en Allemagne lors de l’hiver 1983, mais elle n’aurait entraîné aucune conséquence pathologique. On vient aussi d’observer un cas de WNS de chauve-souris en France [3]. Des hypothèses ont été émises pour expliquer les évolutions différentes en Europe et aux Etats-Unis. En Europe, une co-évolution aurait permis le développement d’une résistance immunitaire ; on a aussi invoqué le fait qu’en Europe, l’hibernation des chauve-souris se fait par petits groupes de moins de 100 animaux, alors qu’en Amérique on en observe couramment 10 000 ou 100 000, ce qui facilite la dissémination du pathogène ; une autre hypothèse enfin serait qu’aux Etats-Unis le WNS serait une infection opportuniste survenant sur un état pathologique préexistant. Pourrait-on dissocier la présence du Geomyces destructans, lui même non pathologique, de la maladie WNS ? Aucune approche thérapeutique ne semble simple : chimique ou biologique, elle pourrait être dangereuse pour d’autres espèces, et une vaccination s’envisage difficilement. Une recherche est engagée, sans doute pour des années, mais la crainte est surtout la diffusion vers d’autres régions des Etats-Unis, Tennessee ou Kentucky. La chauve-souris ne met bas qu’un petit par an, l’espèce pourrait-elle disparaître ?

Références :

  1. Buchen L. Nature 2010 ; 463 : 144-5.
  2. Blehert DS, et al. Science 2009 ; 323 : 227.
  3. Punchmaille SJ, et al. Emerg Infect Dis 201 ; 16 : 290-3.

Source : Dominique Labie, Une épidémie qui tue les chauve-souris en Amérique, M/S n° 4, vol. 26, avril 2010