En Europe, de tout temps, les chauves-souris ont eu mauvaise presse, et ont peuplé notre univers mental, ainsi que notre culture d’images effrayantes. Leurs mœurs nocturnes et leur capacité de voler, pouvoir réservé aux anges et aux Oiseaux, les faciès étranges de certaines espèces ont largement contribué à répandre légendes et superstitions.

Depuis l’Antiquité, on a attribué aux chauves-souris un rôle important dans la médecine populaire : leurs cœurs mélangés à une boisson quelconque devaient réveiller un amour aveugle. Le célèbre naturaliste Gessner n’hésitait pas à donner, en 1581, cette recette pour de nombreux maux : prendre une chauve-souris, lui couper la tête, la sécher et la réduire en poudre que l’on peut prendre entre trois doigts, la mélanger à du sirop et à du vinaigre. Aujourd’hui encore, au Maroc, la poussière de Pipistrelle séchée est recommandée pour combattre la méningite.

Au Moyen Age, on plongeait des chauves-souris vivantes dans les cuves de plomb liquide pour rendre les balles plus précises lors des tirs. On les accusait aussi de voler le jambon séchant à la poutre de la cuisine et de porter malheur ; mais on les croyait capables de chasser les mauvais esprits une fois clouées à la porte d’une grange.

Depuis, ces pratiques sont abandonnées ; pourtant subsiste encore au fond des mémoires, le poids des légendes et des préjugés : la chauve-souris y est d’ailleurs souvent associée à la sorcellerie.

Au cinéma et dans les bandes dessinées, le comte Dracula nous a fait croire, à tort, que toutes les chauves-souris se nourrissaient du sang qu’elles prélevaient sur de jeunes femmes. En fait, seules trois espèces de Vampires d’Amérique du Sud sont hématophages.

Bref, il est temps de démystifier les chauves-souris : non, elles ne s’accrochent pas aux cheveux ; non, elles ne sont pas aveugles ; elles possèdent des yeux et sont parfaitement capables de s’en servir. Non, elles ne portent pas malheur : là où les chauves-souris survivent, la nature est en bonne santé. Dans certaines régions du globe, les chauves-souris sont même signe de félicité ; ainsi dans le dialecte mandarin, en Chine, le mot fu a deux significations, bonheur et chauve-souris (en Chine, on peut voir un talisman largement répandu, représentant un arbre avec cinq chauves-souris; celui qui le porte est censé jouir d’une longue vie, être riche, en bonne santé et ne souffrira pas quand il mourra) !